L'aigle des frontières
(Allan Dwan, 1939)

L'histoire de Wyatt Earp et de Doc Holliday vue par Dwan est probablement l'une des plus attachantes. Au-delà du classicisme (dans le sens noble du terme) de la mise en scène, c'est la mélancolie du ton, à la fois détachée et profondément tragique, qui séduit. Le cinéaste est aussi un conteur : un plan, une réplique, un regard suffisent à dynamiser le récit sans jamais oublier de le rattacher à la légende. Frontier Marshal est une sorte d'idéal disparu d'un certain cinéma hollywoodien. 


Chaînes du destin
(Mitchell Leisen, 1950)

No Man of Her Own est un produit typique du décalage qui peut exister entre une base littéraire et son traitement une fois portée à l'écran. Si le film peut intéresser par la manière dont il aborde la question de la deuxième chance, il ne trouve jamais le bon équilibre entre le drame et le film noir (présence inquiétante de Lyle Bettger) si bien qu'aucun de ces deux genres n'est finalement traité avec conviction. Il manque une véritable personnalité à l'écriture et Leisen n'est pas aussi inspiré que précédemment.


La veine d'or
(Mauro Bolognini, 1955)

Rien n'aide à considérer le troisième film de Bolognini, réflexion œdipienne finalement assez creuse, comme une œuvre intéressante. L'argument narratif (l'amour exclusif d'un fils pour sa mère empêchant le remariage de celle-ci) est un point de départ prometteur mais le développement pâtit d'une dramaturgie pesante et sursignifiée. La musique, à l'avenant, ajoute à ce sentiment d'un film mal maîtrisé, victime de la mode psychologisante qui sévissait alors. Tout jeune acteur, celui qui n'était pas encore Terence Hill n'est pas mauvais.


Bona
(Lino Brocka, 1980)

Malgré une interprétation médiocre, ce drame sentimental est plutôt juste. L'évolution des relations entre l'acteur raté et la groupie prête à tout pour satisfaire son idole est bien écrite, tout comme la superficialité du petit milieu cinématographique. Mais, comme dans la plupart de ses films, le plus important pour Brocka c'est de donner une dignité aux petites gens des bidonvilles philippins. En cela, Bona, sans atteindre la puissance de Manille, est intéressant.


Quelque part sous le ciel immense
(Masaki Kobayashi, 1954)

La beauté de ce film vient de son habileté à dire beaucoup de choses avec une réelle économie de moyens et sans effusion. La mise en scène est d'une sobriété exemplaire, s'attachant à donner une dignité à chaque personnage et en n'imposant aucune hiérarchie entre eux. Kobayashi entretient là une parenté avec Naruse et Ozu. Si le microcosme familial est montré comme une structure qui peut être source d'inquiétude et d'incompréhension, c'est aussi un sanctuaire, la garantie d'une certaine pérennité. Les acteurs, Keiji Sada et Hideko Takamine en tête, sont excellents.


Feux dans la plaine
(Kon Ichikawa, 1959)

La guerre du point de vue des vaincus. En filmant des soldats malades et affamés, seuls rescapés de garnisons décimées et d'une armée en déroute, Kon Ichikawa s'attache moins à décrire le conflit en lui-même que ses effets. Il montre la déshumanisation progressive de ces corps décharnés, exténués, tentés par la désertion et le cannibalisme. L'ennemi y est quasiment invisible et la mise en scène, irréprochable, fait de la nature un tombeau. Le discours est peu subtil mais l'intérêt est ailleurs. On peut tout de même regretter le choix de d'Eiji Funakoshi, acteur pour le moins inégal, pour le rôle principal.


L'innocence outragée
(Ko Nakahira, 1963)

A l'académisme du sujet (deux jeunes gens s'aiment malgré des origines sociales totalement opposées), Nakahira répond hélas par un académisme de traitement. Ce qui est assez dommage au vu de la splendeur de la photographie qui sublime chaque couleur (qu'on songe au cortège funéraire final au coucher du soleil !) et de quelques touches qui allègent un sujet mille fois abordé et donc les caricatures habituelles (le garçon impulsif et buté, la fille douce et effacée). Peu inspiré.


Mark Dixon, détective
(Otto Preminger, 1950)

Ce classique du film noir mérite tous les éloges. Producteur et réalisateur, Preminger a tiré le meilleur parti du roman de William Stuart avec une adaptation signée Ben Hecht, une superbe photographie et le couple vedette de Laura (superbes Gene Tierney et Dana Andrews). Where the Sidewalk Ends (le titre français est trop neutre) mélange savamment le film policier, la romance et l'histoire de la rédemption d'un flic violent écrasé par l'héritage d'un père criminel. La précision de la mise en scène, la profondeur du scénario qui ne néglige ni l'intrigue ni la psychologie des personnages ainsi que la beauté déchirante de la conclusion justifient le statut de ce film magnifique.


Un flic hors-la-loi
(Kenji Misumi, 1973)

La seule incursion de Misumi dans le polar est une réussite à plus d'un titre. Par la manière qu'il a d'enfermer ses personnages dans des cadrages très serrés, le cinéaste souligne l'implacable emprise de la pègre sur la société nippone. Ainsi, le film est une analyse aussi pertinente que désenchantée sur les limites de la légalité face au crime et sur le recours à la violence pour obtenir des résultats. Un pessimisme servi par une mise en scène très stylisée et une bande originale aussi superbe que déroutante. Tomisabura Wakayama est excellent en flic bourru et déterminé.


Gunfighters of Abilene
(Edward L. Cahn, 1960)

Le prolifique Cahn (pas moins de onze films sortis en 1960 !) réalise ici un western parfaitement raté, sans aucune ambition artistique, joué avec les pieds (Buster Crabbe, tout à fait monolithique, est incapable d'exprimer le début d'une émotion) et découpé sans le moindre sens du rythme et de la dramaturgie. A peine voudrait-on sauver le semblant de réflexion pacifiste qui émerge à la fin du récit. Le film dure à peine plus d'une heure, ce qui limite le temps perdu à un délais raisonnable.


L'homme perdu
(Peter Lorre, 1951)

L'unique réalisation de l'acteur est un film inégal mais digne d'intérêt. La narration en flashbacks est tout à fait artificielle et ne sert finalement qu'à dynamiser un tant soit peu un scénario peu imaginatif. Si l'on doit louer L'homme perdu c'est pour ce qu'il donne à voir de l'Allemagne d'après-guerre et de quelques belles images, très contrastées, qui évoquent l'expressionnisme par moments. Et Peter Lorre ? S'il n'a bien sûr pas la sensibilité artistique de Fritz Lang, il se filme et joue plutôt sobrement, c'est à souligner.


La Vénitienne
(Mauro Bolognini, 1986)

On peine à trouver un intérêt à ce film sans âme, excessivement bavard et mal interprété. Venise est filmée bien tristement, à l'image d'un scénario opportuniste où seule la nudité de Laura Antonelli semble avoir motivé auteurs et producteurs. La misogynie de La Venexiana, renvoyant les femmes à leur statut d'hystériques victimes de leurs pulsions, s'insère difficilement dans la carrière d'un Bolognini bien peu inspiré. Un constat qui ne fait finalement qu'altérer l'érotisme de certaines scènes.


J'aurai ta peau
(Harry Essex, 1953)

Première et mésestimée adaptation des aventures du privé Mike Hammer, il s'agit pourtant d'un polar de bonne facture, excellemment photographié par le grand John Alton. La tension permanente, la violence omniprésente, les femmes qui se succèdent au bras du héros, la cruauté du récit... le film est une sorte d'idéal du film noir à petit budget. Certes, Harry Essex n'a pas le talent d'un Aldrich pour transcender un matériau populaire mais l'économie de la mise en scène séduit. Et Biff Elliot, malgré ses limites évidentes, est plutôt convaincant.


La classe emportée
(Nobuhiko Obayashi, 1987)

Adapté d'un manga à succès, le film est un divertissement pas désagréable malgré des lacunes patentes. L'inventivité formelle d'Obayashi est toujours à l'œuvre mais il manque le grain de folie qui fait tout le prix de ses œuvres les plus abouties. D'autant qu'ici (la faute au matériau d'origine ?), l'histoire stupéfiante est servie par des personnages allant du caricatural au stupide (eux-mêmes incarnés par des acteurs peu convaincants). La musique de Joe Hisaishi est quant à elle insupportable.


El vampiro negro
(Roman Viñoly Barreto, 1953)

Variation réussie du M de Fritz Lang, le film est une pépite. La mise en scène est au niveau des meilleurs films noirs américains, à la fois sèche et humanisant chaque protagoniste, et est doublée d'une superbe photographie où l'obscurité est un personnage à part entière. L'idée de montrer en parallèle les pulsions meurtrières de l'assassin et la frustration sexuelle du procureur ajoute une extraordinaire densité au récit. La poursuite dans l'usine est un grand moment de cinéma.