1900
(Bernardo Bertolucci, 1976)

L'ampleur de la fresque a de quoi impressionner et passionner d'autant que la maîtrise technique est stupéfiante. On ne compte plus les morceaux de bravoure, les séquences inoubliables et les plans d'une beauté vertigineuse (merci la photo de Storaro), le tout bercé par la superbe BO de Morricone... mais l'ensemble paraît très inégal. La faute à une écriture pour le moins manichéenne, sans nuance (les personnages incarnés par Donal Sutherland et Laura Betti sont des caricatures gênantes), et à un érotisme malsain dont on ne sait pas ce qu'il apporte à l'ensemble. D'autant plus dommageable que les enjeux historiques, sociaux et politiques sont pourtant passionnants. L'expression boiteuse de "grand film malade" s'applique parfaitement à Novecento.


La ville de la vengeance
(Allan Dwan, 1957)

Un petit western en termes de moyens mais une belle réflexion sur la Loi et la Justice. C'est là tout le mérite du vétéran Dwan : parvenir à retranscrire les tourments du personnage principal endeuillé par l'assassinat de son père mais aussi ceux de la petite communauté qui vit terrorisée par des bandits sans scrupules avec une telle économie de mise en scène. Certes Scott Brady n'est pas l'acteur du siècle mais cela importe moins que le cheminement de ce Mitch Baker travaillé par sa soif de vengeance et peu à peu conscient des enjeux moraux qui se présentent à lui.


L'invraisemblable vérité
(Fritz Lang, 1956)

La sécheresse et la rigueur de la mise en scène vont de paire avec l'implacable démonstration du cinéaste qui nous offre ici ce qui est très probablement son meilleur film américain. Ses œuvres précédentes semblent toutes contenues et se justifier par Beyond a Reasonable Doubt, sorte d'aboutissement formel et thématique de plus de trois décennies passées à questionner la nature humaine. Le scénario est d'une intelligence remarquable et Dana Andrews est parfait. Un très grand film.


Le fou
(Claude Goretta, 1970)

Le premier film de Goretta est pour le moins pesant. Par son sujet bien sûr mais d'abord et avant tout par son traitement: le noir et blanc, les longs plans sur le visage émacié de François Simon (très bon au demeurant), son personnage écrasé par les scrupules, celui de sa femme en fauteuil, le cynisme de la société... Tout cela paraît tout à fait sinistre. En somme, si on comprend et on loue les intentions, on est beaucoup plus dubitatif devant l'exécution, lourdement démonstrative.


La fille sur la balançoire
(Richard Fleischer, 1955)

Un beau film sublimé par un Technicolor très élégant (comment résister aux yeux bleus de la délicieuse Joan Collins ?) et une parfaite distribution. La mise en scène sophistiquée de Fleischer culmine lors de cette célèbre séquence de la balançoire, admirablement filmée. Le romantisme du propos, la jeune héroïne écartelée entre ses deux amants, la réflexion puissante sur la perte de l'innocence... tout cela est cependant un peu tempéré par le manque d'équilibre entre les protagonistes masculins, au détriment du personnage interprété par Farley Granger.


Des filles disparaissent
(Douglas Sirk, 1947)

Plaisant remake du Pièges de Siodmak, Lured est un film qui n'a certes pas la délicieuse fantaisie de son excellent prédécesseur mais qui demeure malgré tout singulier et très élégant. Cela est sans doute dû à la présence toujours altière de George Sanders, à la malicieuse Lucille Ball et à la très jolie photographie. Le passage avec Boris Karloff, entre folie et onirisme, égale celui de l'original avec Erich Von Stroheim: un moment hors du temps, raccroché à l'intrigue par un argument très ténu et pourtant un grand moment de cinéma. Réussi.


Les assassins sont nos invités
(Vincenzo Rigo, 1974)

C'est peu dire que ce film articulé autour d'une prise d'otage est tout à fait raté. C'est mou dans sa réalisation, laborieux dans sa narration (le twist est ridicule et la fin l'est tout autant) et c'est en plus parfaitement racoleur (l'érotisme lesbien, le viol...). On passe sur la présence inutile du travelo et la sous-exploitation de Luigi Pistilli en commissaire désabusé. La musique, à l'image de l'ensemble, est tarte au possible. 


Trois samouraïs hors-la-loi
(Hideo Gosha, 1964)

S'il faut certes souligner l'extraordinaire vivacité de l'ensemble, la parfaite précision de la mise en scène, l'acuité du scénario et sa lecture sans dogmatisme de la lutte des classes (dominants et dominés finalement renvoyés dos à dos), l'excellence des acteurs (magnifique Tetsuro Tanba), l'élégance de la photographie et des cadrages... il faut surtout rappeler qu'il s'agit d'un premier film et que la maîtrise de Gosha est en ce sens remarquable. Un modèle de film, un des sommets du chanbara.


Chantage
(Kinji Fukasaku, 1966)

Un monument au sein de l'imposante (et inégale) filmographie du cinéaste ! Par la densité dramatique, la puissance du montage et de la réalisation ainsi que par l'excellence des acteurs et son écriture, Odoshi est un très grand polar. L'inventivité permanente de la mise en scène et la dureté de certaines séquences en font un film inoubliable. Qu'on songe seulement à ces quinze dernières minutes haletantes et au dénouement ! Un modèle du genre, à situer quelque part entre les films noirs de Fuller ou Aldrich et Entre le ciel et l'enfer de Kurosawa.


They Came to a City (Basil Dearden, 1944)

L'origine théâtrale du film est partout présente et, dans une certaine mesure, peut paraître un peu pesante. Heureusement la mise en scène de Dearden et quelques plans d'une stupéfiante beauté transcendent un récit propagandiste, destiné à soutenir le moral de la population. Les personnages sont certes archétypaux mais les acteurs sont bons et l'allégorie passionnante. Cette fable des studios Ealing est un objet curieux, qui séduit davantage par sa forme que par son propos.


Le crime de Giovanni Episcopo
(Alberto Lattuada, 1947)

Porté par le grand Aldo Fabrizi dans le rôle-titre, c'est une adaptation parfaite et cruelle de D'Annunzio. La caméra de Lattuada épouse le mal-être du modeste Episcopo avec une grande justesse, aidée en cela par des décors et une photographie (rarement Rome aura été si terne à l'écran ) qui soulignent ses tourments. De prime abord néo-réaliste dans son expression visuelle, le film s'oriente peu à peu et de manière très intéressante vers le film noir. L'arrivée du gamin coïncide avec la partie la plus émouvante du récit. On note que Sordi même pas trentenaire y joue un petit rôle.


L'île des amours interdites
(Damiano Damiani, 1962)

Il ne se passe pas grand-chose dans ce film très intimiste où la narration évolue autour de trois ou quatre personnages seulement et un décor strictement cantonné à l'île de Procida. Mais Damiani, qui n'a pas encore trouvé la voie politique qui fera de lui un auteur célébré, par la beauté de sa mise en scène et sa manière de filmer les protagonistes sans jamais les juger fait de L'isola di Arturo une œuvre tout à fait digne et pudique. Les acteurs, peu connus, sont bons.


Escale
(Louis Valray, 1935)

Par sa capacité à faire vivre son environnement, la rudesse des situations et la dureté des relations entre les différents personnages, par sa mise en scène alerte et l'absence d'une ligne narrative véritablement définie, Valray, à l'instar d'un Vigo, apparaît comme un précurseur de la Nouvelle Vague. On se fout éperdument de l'histoire et du classique triangle amoureux, seul compte ici le parti pris naturaliste du cinéaste. C'est vrai, épuré et très élaboré d'un point de vue technique. La trajectoire de Valray, tombé dans l'oubli après ce film, est un merveilleux mystère.


Désiré
(Sacha Guitry, 1937)

Peut-être l'un des films les plus sophistiqués de Guitry. C'est un mélange réjouissant d'élégance et de fantaisie (les rêves !) permanent: les dialogues font mouche, la mise en scène est au service des situations et les rapports de classe sont abordés sous un jour original et bienveillant. Et quels acteurs ! C'est un bonheur de voir échanger le trio de gens de maison (Guitry lui-même avec Pauline Carton et Arletty) et que dire de l'arrivée de Saturnin Fabre en séducteur marié à une sourdingue ? Il est magistral. Une réussite complète.


Si Versailles m'était conté
(Sacha Guitry, 1954)

Comme c'est une fresque, ça dure des plombes (2h45 tout de même) ; comme c'est Guitry, l'élégance du propos n'a d'égal que le statisme de la mise en scène. C'est une sorte de précis d'histoire pour les nuls, avec tous les raccourcis et libertés possibles, porté par une pléiade d'acteurs de renom et, surtout, l'amour inconditionnel de l'auteur pour son pays. Finalement, c'est un grand combat entre l'indulgence et l'ennui pour ce film qui, d'après un procédé similaire, parait beaucoup moins réussi que Remontons les Champs-Elysées.