Lost Chapter of Snow: Passion
(Shinji Somai, 1985)

L'incroyable plan-séquence d'ouverture (14 minutes de merveille formelle) ne doit pas masquer la profondeur thématique de ce très beau film de Somai. Une fois encore, le cinéaste s'attaque à l'adolescence, à la difficulté de devenir soi et interroge notre rapport à la filiation. Une fois encore, la direction d'acteurs est à souligner tant la distribution brille par sa justesse. Une fois encore, la sensible pudeur de l'auteur perce dans chaque scène, renforcée par un talent inouï pour la composition du cadre. Une fois encore, c'est une réussite.


Morbo
(Gonzalo Suarez, 1972)

Même si le film n'atteint pas les sommets de Ditirambo, il faut admettre que parvenir à faire de l'atmosphère oppressante un personnage à part entière tient du tour de force. Tenir en haleine le spectateur avec l'inquiétude grandissante qui s'empare de la jeune épouse (Ana Belen, d'une beauté renversante) n'est pas une mince affaire ; Suarez s'en acquitte avec mérite. Sorte de huis-clos à ciel ouvert, métaphore du mariage dont l'échec est en germe dès la bague passée au doigt, Morbo est peu aimable de prime abord. La nature, si revigorante d'habitude, exacerbe ici les tensions et la paranoïa, comme cette mystérieuse maison dont on ne sait si elle tient du fantasme ou de la réalité.


Ditirambo
(Gonzalo Suarez, 1969)

Un premier film épatant oscillant sans cesse entre le polar et l'absurde et mené de main de maître par Suarez, romancier de son état. La profondeur du film semble sans fin, tant dans sa modernité technique (la caméra tutoie le virtuose, non par ostentation mais par nécessité narrative) que dans le cheminement du personnage principal (interprété par le cinéaste lui-même). On est tenté d'invoquer Buñuel mais Ditirambo navigue en réalité dans d'autres eaux, tournant certes le dos au réalisme mais sans pour autant épouser les formes de son glorieux devancier. C'est un film qu'il faut (re)voir, expérimenter même. Un bijou aussi méconnu qu'incontournable.


Le maître du gang
(Joseph H. Lewis, 1949)

Bon polar, tout à la gloire des agents gouvernementaux, un peu à la manière de ce que faisait Anthony Mann à la même période. Lewis y est inspiré, sa mise en scène dynamique et les différents aspects de l'intrigue traités avec équilibre (l'enquête proprement dite pour faire tomber le boss de la pègre, les relations entre le héros et sa femme, la question de l'immigration italienne qui ajoute une touche documentaire au film...). The Undercover Man ne souffre d'aucune critique et la distribution est excellente, Glenn Ford en tête.


Jeunesse
(Allan Dwan, 1940)

Young People est aussi charmant que désuet. Comme souvent chez Dwan, la narration coule de source, les séquences musicales et les parties sociétales se succédant avec une fluidité remarquable. C'est rempli de bons sentiments (la gentille famille vient à bout d'une petite communauté de prime abord pleine d'aigreur et de condescendance) sans que cela ne verse dans un moralisme excessif ni dans la guimauve. Shirley Temple ado est mignonne. Du cinéma américain archétypal mais plaisant pour qui sait apprécier la légèreté.


L'école est finie
(Olivier Nolin, 1979)

Comment qualifier cette... chose ? Sans cesse tiraillé entre le grotesque et le malsain, cet objet est assez symptomatique des excès libertaires propres aux années 70. Ça se veut sensible et humaniste, c'est en réalité parfaitement irresponsable et caricatural, à l'image des parents des deux gamins. C'est aussi totalement artificiel avec sa mise en scène inexistante, ses dialogues ridicules et désincarnés, sa musique assommante et ses acteurs navrants : beau boulot ! L'école est finie est en définitive un film détestable.


L'inspecteur Fujioka
(Kihachi Okamoto, 1960)

Si l'immense Toshiro Mifune est bon dans le rôle du flic aux principes musclés et à la frontière de la légalité, on n'en demeure pas moins dubitatif sur la qualité intrinsèque de ce polar. La qualité du montage dynamise l'ensemble de manière incontestable mais il faut tout de même admettre que l'écriture n'est pas très aboutie. En résulte une impression de film bancal, à la cadence expéditive, où quelques rares fulgurances (très beau duel final) n'empêchent pas d'être lassé par les bourre-pifs à répétition.


La vie élégante de Monsieur Tout-le-monde
(Kihachi Okamoto, 1963)

Un sentiment partagé (et forcément un peu déçu) après le visionnage de ce film très original. Il faut dire qu'après une première heure enthousiasmante, où se mêlent fantaisie et inventivité dans un élan tragi-comique, le récit retombe un peu. Si le ton est plus désabusé (ce qui n'est pas un handicap en soi), le rythme est par trop alangui et finit par plonger le spectateur dans une forme d'ennui poli. Dommage car cette Vie élégante porte la marque d'un auteur qui sait se montrer inspiré.


Le vent de la jeunesse franchit le col
(Seijun Suzuki, 1961)

Au milieu de quantité de polars nerveux et souvent remarquables, le cinéaste réalise ce film surprenant qui suit les aventures d'une troupe de magiciens croisant la route d'un étudiant qui va se révéler être une sorte de bénédiction. Il y a d'un côté la précarité de ce petit monde, la présence de yakuzas et de producteurs peu scrupuleux et, de l'autre, l'optimisme solaire du jeune homme, le tout écrit avec finesse et élégance. Si la beauté des couleurs est à souligner, la progression narrative s'avère quant à elle très artificielle et peine à convaincre totalement.


Sept épées pour le roi
(Riccardo Freda, 1962)

Dans ce fleuron du film de cape et d'épée, Freda privilégie largement l'action et c'est bien là le principal. Amour, trahison, duels sont au programme pour le plus grand plaisir des amateurs, dynamisés par une mise en scène alerte et des couleurs chatoyantes. C'est évidemment très léger dans l'écriture et d'une mièvrerie manifeste mais la dureté de deux ou trois scènes compense cette faiblesse. Sympa d'autant que les acteurs ne sont pas mauvais.


La nuit avance
(Roberto Gavaldon, 1952)

Des atours de polar avec sa photographie très contrastée, son anti-héros, ce salopard égocentrique qui se plaît à écraser les plus faibles, ses malfrats... La noche avanza est un film mexicain honnête, largement influencé par le voisin américain (c'est d'ailleurs une co-production). On regrette cependant une distribution inégale et le recours à des archétypes un peu grossiers. La fin en revanche, montrant l'implacable destin du personnage principal, est d'une dureté qui rappelle Mann, Lang ou Fuller.


Cent jours après l'enfance
(Sergueï Soloviov, 1974)

Un petit bijou de tendresse et d'injustice sur les premiers tourments amoureux. Comme pour renforcer l'impression d'être hors du temps, l'action se déroule dans un camp de vacances en pleine nature. Les adolescents y découvrent non seulement l'amour et son lot d'incertitudes mais aussi la musique, le théâtre, la peinture... la caméra de Soloviov accompagnant ce petit microcosme avec une acuité rare. Le triangle amoureux (l'acteur interprétant Mitya est formidable) est le nœud dramatique du récit mais sert avant tout de caution à l'expression de la sensibilité du cinéaste. Superbe et totalement inattendu, comme cette chanson d'Aznavour qui survient sans qu'on s'y attende...


La dernière extrémité
(Tomu Uchida, 1957)

Sans être tout à fait abouti, le film est le récit sans ostentation d'un sauvetage de cinq mineurs pris au piège par la montée des eaux. La petite communauté vit et souffre avec les victimes et leur famille, les autorités tergiversent et quelques vieux antagonismes s'exacerbent. Le cinéaste, également crédité comme scénariste, a le mérite de ne pas chercher l'héroïsme ni la couardise chez ces personnages. Il rend compte, de manière très austère certes, des manquements des structures officielles (direction de la mine, sauveteurs...). Pas mal.


Rafale de neige
(Keisuke Kinoshita, 1959)

Une splendeur visuelle qui cueille le cinéphile dès les premières secondes. L'attention portée aux cadres, la beauté des paysages et l'élégance de la mise en scène font de ce film une œuvre de tout premier plan. La narration, foisonnante et ambitieuse s'il en est, emporte peut-être un peu moins l'adhésion. L'ambition de l'écriture ne s'accommodant pas totalement de la durée de Rafale de neige, assez court (moins de 80 minutes). Ce côté fresque familiale avec ses nombreux flash-backs aurait sans doute mérité quelques développements supplémentaires. Malgré tout, il serait injuste de ne pas privilégier ses nombreuses qualités. Un bon mélodrame.


Je vais craquer
(François Leterrier, 1980)

Amusante satire sur la fin des illusions soixante-huitardes sans pour autant être complètement dupe du retour à une vie professionnelle bien dans le moule capitaliste. Comme souvent avec ce type de film, la réalisation manque de personnalité et le spectateur est confronté à d'immanquables longueurs. Il faut dire que l'écriture est pour le moins inégale. Problème qu'un Christian Clavier convaincant ne parvient pas seul à faire oublier. Sympathique mais finalement dispensable.