La guerre des mondes : le siècle prochain
(Piotr Szulkin, 1981)

La référence explicite à H.G. Wells et Orson Welles en introduction ne trompe personne : Piotr Szulkin utilise ces figures tutélaires pour critiquer très innocemment le régime polonais en place. Mais au-delà de l'aspect politique, c'est avant tout un film fantastique qui, bien que refusant tout spectaculaire, décortique les mécanismes d'une colonisation progressive des esprits à grands renforts de médias. Le soin apporté aux décors est à souligner, tout comme la galerie des personnages, tous plus grotesques les uns que les autres, faisant du cauchemar une farce.


Portrait d'un criminel
(Hideo Gosha, 1985)

L'ambition narrative est partiellement réalisée. Gosha a mis plusieurs années à concrétiser cette fresque (car s'en est une) suivant le parcours d'un criminel qui, désireux de posséder librement le corps de sa maîtresse, tue femme et enfant avant de connaître un long et douloureux repentir. C'est un portrait ambitieux, complexe et, il faut bien l'avouer, ambigu. Formellement, le film est beau et abouti mais le recours aux multiples flashbacks nuit à la lisibilité de l'ensemble. En filigrane, la société japonaise d'après-guerre y est montrée sous son jour le plus conservateur.


Un moment d'égarement
(Claude Berri, 1977)

Jolie et touchante étude du couple, de la paternité et de l'amitié. La modestie et la pudeur de la mise en scène n'empêche pas une certaine acuité dans cette France des années 70 prompte, croit-on, à la libération des mœurs. Jean-Pierre Marielle et Victor Lanoux sont évidemment épatants et campent des personnages très bien ciselés. L'un des bons films de Claude Berri.


La fille du fleuve
(Mario Soldati, 1954)

Mélodrame inégal dans lequel surnage évidemment la beauté de Sophia Loren. Les personnages sont stéréotypés: la belle sauvage insensible au charme du voyou, le flic qui s'éprend de l'héroïne et jalouse son ennemi secret. La partie de cache-cache annonciatrice du drame et la séquence finale sont en revanche deux moments superbes. Les auteurs (Soldati mais aussi Bassani, Vancini et Pasolini, d'après Moravia) ont su y insuffler une vraie densité émotionnelle.


Une femme dont on parle
(Kenji Mizoguchi, 1954)

Encore un beau film du maître qui repose sur l'équilibre parfait entre une mise en scène discrète mais toujours appliquée et une narration particulièrement tenue. En moins de 90 minutes, cinéaste et scénaristes parviennent à vitaliser leur intrigue principale grâce à une succession de portraits (le jeune médecin, la geisha atteinte d'un cancer, les clients plus ou moins violents ou folkloriques...) et de sous-intrigues jamais hors-sujet. Cet ensemble donne corps à une émouvante histoire de rapports mère-fille sur fond au sein d'une maison de geishas. Avec l'évidence des réussites et sans caricature.


L'histoire d'Adèle H.
(François Truffaut, 1975)

Comme mentionné en préambule, les faits rapportés sont strictement authentiques. C'est l'histoire d'une passion sans retour, d'un amour impossible et d'une folie irrémédiable. Ce que le film perd en audace formelle ou narrative (c'est très linéaire), il le gagne en densité émotionnelle. En cela, évidemment, la prestation de la jeune (et sublime) Isabelle Adjani est à souligner. Avec talent, les auteurs parviennent faire planer l'ombre du grand homme à chaque instant, sans pour autant qu'elle ne vampirise l'histoire au détriment des tourments de l'héroïne.


La chambre verte
(François Truffaut, 1978)

Avec une rigueur et une solennité toute bressonienne, Truffaut signe un film bouleversant sur l'amour et sur la mort. L'austérité des images et de la mise en scène permet à la parole d'exprimer au mieux la vérité du cœur face au deuil, à l'absence. Avec une obstination aussi marquée que celle filmée dans La vie d'Adèle H., le personnage interprété par le cinéaste refuse d'accepter l'implacable destin et la perte sa femme, vit dans un monde hanté de souvenirs, refusant le réconfort de la religion. La chambre verte, très probablement le film le plus personnel de son auteur, est une réussite complète.


La sirène du Mississipi
(François Truffaut, 1969)

Un Truffaut relativement mal-aimé, pour de mauvaises raisons (de gauche, bien entendu). Pourtant, le film réussit l'audacieux pari de maintenir cet équilibre si caractéristique des grandes œuvres du jeune turc, entre spontanéité rafraîchissante et écriture sophistiquée. Le couple vedette est superbe et Belmondo merveilleux de fatalisme amoureux. Et la mise en scène est remarquable de justesse. Placé sous les hospices de Renoir, La sirène du Mississipi (la faute est volontaire), est véritablement excellent.


Pris au piège
(Edward Dmytryk, 1945)

Exécutant accompli, Dmytryk réalise ici un film qui ne s'encombre pas de vraisemblance. Dès les premières minutes, les arguments du scénario s'enchaînent de manière ahurissante et les moult rebondissements finissent par lasser. Mais il faut reconnaître à Cornered sa mise en scène léchée et la capacité des auteurs à utiliser les codes du film noir dans un contexte d'après-guerre. Côté interprétation, mention spéciale à Walter Slezak dans un rôle ambivalent.


La muerte camina en la lluvia
(Carlos Hugo Christensen, 1948)

Seconde adaptation de L'assassin habite au 21 après celle d'Henri-Georges Clouzot, cette déclinaison argentine est bien peu convaincante. Bien que le soin apporté au cadre (nombreux plans serrés sur les visages) confère au film un sentiment oppressant qui sied au récit, on regrette le peu d'inventivité, l'absence d'ambition formelle et une interprétation très inégale. En somme, la version de Christensen est terne et, parce que tournée en studio, ne montre rien de Buenos Aires.


The Perfect Game
(Toshio Masuda, 1958)

Réalisateur prolifique, Masuda entamait en 58 une longue et fructueuse collaboration avec la Nikkatsu. Ici, il nous invite à suivre plusieurs étudiants déterminés à réaliser un coup fourré pour éponger leurs dettes. La caméra est particulièrement dynamique (en témoigne les minutes inaugurales, véritable modèle d'introduction et de mise en scène) et les jeunes acteurs sont tous excellents. Les difficultés du Japon d'après-guerre sont certes évoquées mais la progression dramatique prend le pas sur la dimension sociologique. En dépit de ce léger déséquilibre, c'est un bon film.


Les amants de Brasmort
(Marcel Pagliero, 1951)

L'histoire à proprement parler n'est pas des plus passionnantes et manque d'un peu plus de rigueur narrative pour que le film soit une véritable réussite. Mais, et c'est vraiment saisissant, Pagliero instaure une ambiance réaliste qui emporte l'adhésion. Le soin apporté à peindre les conditions de vie des mariniers (tournage à Conflans-Sainte-Honorine) est notable et s'inscrit dans la même veine qu'Un homme marche dans la ville. La qualité de la photographie et la délicate musique de Georges Auric sont également à souligner.


People's Hero
(Derek Yee, 1987)

Derrière ses atours de polar et son parti-pris narratif (le huis-clos d'une prise d'otages), le film dresse le portrait d'une société hong-kongaise en proie au doute, entre l'horizon lointain de la rétrocession et des vies fragmentées. Certes, les acteurs sont inégaux, mais People's Hero se distingue néanmoins par un découpage précis et remarquablement efficace. Maîtrise d'un espace restreint, caractérisation des personnages pertinente, équilibre du récit et derniers instants au baroque sanglant : l'exercice de style est abouti.


Tatouage
(Yasuzo Masumura, 1966)

La conjonction de cinq talents : Tanizaki comme auteur du matériau littéraire d'origine, Kaneto Shindo à l'adaptation, Masumura derrière la caméra, Miyagawa à la photographie et enfin la superbe et vénéneuse Ayako Wakao dans le rôle principal. Visuellement, Tatouage est une splendeur. La sophistication des cadrages, la beauté de la photographie et des couleurs flamboyantes font du film un accomplissement artistique total. C'est aussi un portrait de femme saisissant, traversé par une fascination morbide pour le corps et la laideur morale des hommes. Certaines scènes hélas sont d'une affectation gênante, déjà entrevue dans Passion et tutoyant le ridicule dans La bête aveugle quelques années plus tard.


Mon grand
(William A. Wellman, 1932)

Pas le plus célèbre des films de Wild Bill, So Big est pourtant une belle réussite. C'est un portrait particulièrement touchant, celui des humbles et leur esprit sacrificiel. Barbara Stanwyck y campe un personnage superbe de dignité qui, après avoir échoué à réaliser ses rêves, cherche à orienter son fils dans le droit chemin. La caméra de Wellman est, en débit de sa sobriété, d'une acuité remarquable. Les dernières minutes, confirmant ainsi un talent certain pour l'intime, sont bouleversantes.