Faraway Tomorrow
(Tatsumi Kumashiro, 1979)

L'enquête que mène le héros sur le meurtre dont a été accusé son père 19 ans plus tôt est bien menée même si la principale révélation du film semble téléphonée. L'intérêt est finalement ailleurs, quand les personnages laissent percer leur solitude dans un Japon industrialisé et oppressant (les cadrages laissent peu d'espace aux protagonistes). On appréciera particulièrement la fin, pleine d'amertume, refusant le happy-end.


Les invités de huit heures
(George Cukor, 1933)

L'origine théâtrale empèse hélas quelque peu le film. Si les acteurs sont excellents (mention particulière aux frères Barrymore), il faut admettre que Dinner at Eight est trop long, trop bavard, trop corseté. Bien entendu, la satire est pertinente, d'autant que les dialogues sont incisifs, mais lorsqu'on voit comment certains films pré-Code étaient emballés en moins de 80 minutes, on regrette que Cukor (les producteurs ?) ait privilégié le cérébral à l'action.


Cochons et cuirassés
(Shohei Imamura, 1961)

Ce grand film sur l'occupation américaine après la capitulation du Japon dresse avec talent le portrait d'un pays défait, aux ambitions mortes et à l'avenir incertain. La mise en scène d'Imamura, l'un des cinéastes les plus importants de l'archipel doit-on le rappeler, est d'une précision exemplaire et d'une puissance particulièrement évocatrice. A ce titre, la séquence d'ouverture dit tout sur la situation économique et sociale, l'Oncle Sam exerçant sa tutelle sans vergogne. Le personnage central du récit, le jeune Kinta, incarne avec vigueur cette conscience de l'impasse et le désir de liberté, quitte à dévier du droit chemin. Passionnant.


De nouveaux hommes sont nés
(Luigi Comencini, 1948)

Un premier film qui contient déjà tout ce que son auteur développera par la suite sur l'enfance et le peuple italien. Empruntant son imagerie au néo-réalisme, Proibito rubare se garde néanmoins de lourdes démonstrations larmoyantes et, hormis une conclusion forcée, offre une dignité à tous les protagonistes. Sur la forme, c'est certes encore un peu hésitant mais il y a de belles séquences (la course-poursuite dans le Naples populaire).


Nu comme un ver
(Léon Mathot, 1933)

La verve du chansonnier Georges Milton parvient à maintenir le film au rang de sympathique comédie. Un temps du moins. En effet, à mesure que les péripéties du riche s'étant fait pauvre pour prouver au monde qu'il ne doit sa situation à personne d'autre qu'à lui-même s'accumulent, Nu comme un ver perd en intérêt et en rythme, égrainant avec plus ou moins de pertinence les clichés. En somme, du cinéma plan-plan sans originalité ni fulgurances.


L'homme à abattre
(Léon Mathot, 1937)

La mansuétude de Vecchiali interroge. Sans être à proprement parler un film anonyme, il ne parvient cependant jamais à trouver le juste ton et son équilibre. L'intrigue sur fond d'espionnage franco-allemand ennuie, la romance ne convainc guère et l'humour aux accents détachés ne fonctionne pas (plus ?). En résulte une œuvre à la facture classique, sans génie. Les acteurs, Jules Berry en tête, ne sont pas particulièrement inspirés. Tombé logiquement dans l'oubli.


La revanche
(Pierre Lary, 1981)

On cherche encore l'intérêt de ce film poussif, mal écrit et sans imagination. Ce n'est pas tant le côté féministe à deux sous qui irrite mais bien la nullité abyssale du scénario et son récit invertébré. Résultat : un insondable ennui au bout de dix minutes. Bien sûr, il y a de bons comédiens (mention spéciale à Philippe Avron dont le rôle fantaisiste est peut-être la seule chose qu'on peut sauver) mais ils ne semblent pas spécialement concernés.


Ma femme
(Tinto Brass, Luigi Comencini & Mauro Bolognini, 1964)

Film à sketchs sur les déboires du couple, c'est évidemment d'une délicieuse cruauté et, globalement, de bonne facture. On retiendra principalement l'unique contribution de Comencini, le plus long segment du film, cynique à souhait, dans lequel Sordi, médiocre architecte cherchant à obtenir les faveurs du maire pour un projet immobilier, se sert d'une prostituée (formidable Mangano) pour arriver à ses fins. C'est brillant bien que ce soit le seul sketch à ne pas être écrit par Sonego. Brass et Bolognini amènent chacun une dose d'absurde et de pathétique. Equilibré, ce qui n'est pas toujours le cas dans ce genre d'exercice.


L'incroyable homme invisible
(Edgar G. Ulmer, 1960)

On aurait envie de balayer ce film modeste d'un revers de main. Et pourtant, on aurait tort. Bien entendu, il n'y a rien de génial ici, le manque de moyens est partout évident ; mais Ulmer donne corps à son récit avec une telle honnêteté, un tel sens de l'économie qu'il y a pourtant lieu d'en faire une sorte d'idéal de série Z (sans connotation péjorative). D'autant que ce polar fantastique donne un bon aperçu de ce qu'étaient la paranoïa atomique et les dérives du complexe militaro-industriel (la conclusion).



Le médaillon du crime
(Juan Bustillo Oro, 1956)

Il y a dans ce film, dans sa partie introductive du moins, quelque chose qui évoque Dassin et cette manière sociologique qu'il avait de préciser les contours de ses polars. Mexico remplace New York ou Los Angeles et le hasard des situations fait le reste. En opposant le petit employé ingénu au gangster sans scrupule, Le médaillon du crime ne brille pas par sa singularité. Cependant, la narration est fluide et la mise en scène, sans être un modèle de sécheresse, convainc par son efficacité. C'est vraiment pas mal.


Fin de saison
(Robert Siodmak, 1933)

Adaptant Stefan Zweig, le cinéaste fait sienne la finesse et l'élégance de l'écrivain. Le film touche par sa justesse de ton et émeut davantage lorsqu'il s'attache à évoquer l'amitié entre le jeune garçon et Von Haller que l'histoire d'amour impossible qui lie la mère et ce dernier. Il est dommage en revanche qu'en dépit de quelques séquences réussies Fin de saison se révèle si statique. Il manque la fluidité et l'inventivité qui président à quelques-uns des meilleurs films de Siodmak dans les années 30.


Abus de pouvoir
(Camillo Bazzoni, 1972)

Polar italien nerveux qui emprunte quelques motifs au giallo, le film rend compte avec pertinence (à défaut d'audace) du climat politique et de la corruption dans l'Italie de l'époque. Malheureusement, s'il lorgne vers des références louables (Rosi, Damiani ou Melville sont convoqués), Abus de pouvoir n'est pas des plus aboutis. La faute à un manque évident de personnalité derrière la caméra qui rend difficile l'exécution d'un scénario certes engagé mais cousu de fil blanc. Et la bande originale d'Ortolani n'est pas inoubliable.


L'homme de la Tour Eiffel
(Burgess Meredith, 1949)

Le parti-pris de faire explicitement de Paris un personnage n'apporte strictement rien au film, d'autant que notre chère capitale est vidée de toute vie et est présentée dans un Technicolor lavasse assez immonde. Quant à l'exécution, elle est perpétuellement bancale, n'effleurant jamais vraiment la sécheresse tragique du roman de Simenon « La tête d'un homme ». Charles Laughton surprend plus qu'il ne convainc dans le rôle de Maigret ; seul Franchot Tone sort son épingle du jeu parmi une distribution bien faible. Très décevant.


Tokijiro, le loup solitaire
(Tai Kato, 1966)

L'excellent Kato nous livre une belle variation sur le thème de la rédemption dans laquelle le héros, un samouraï sans attache, protège une femme et son enfant après avoir tué le mari/père. La mise en scène est virtuose et la gestion de l'espace proprement stupéfiante (les dix dernières minutes sont à ce titre exemplaires). Et si le film ne lésine pas sur les geysers de sang, c'est aussi et avant tout une œuvre intimiste où les dilemmes moraux des deux personnages principaux sont traités avec une pudeur remarquable.


Un homme à genoux
(Damiano Damiani, 1979)

Si le scénario s'articule avec quelques artifices narratifs quelque peu faciles, le propos n'en est pas moins percutant. Fidèle à sa marque de fabrique, Damiani interroge l'omniprésence de la mafia dans le quotidien italien (ici en Sicile) à tous les niveaux de la société. La mise en scène retranscrit parfaitement ce sentiment d'étouffement. Côté interprétation, Guiliano Gemma confirme qu'il n'est pas extraordinaire, mais il faut souligner la prestation de Michele Placido qui lui vole la vedette. Les dernières minutes sont d'une grande densité émotionnelle. Bon film.