L'assassin a peur la nuit
(Jean Delannoy, 1942)

Le début est prometteur : un générique original, un cambriolage, une photographie contrastée. La suite est moins convaincante. Jules Berry interprète un énième rôle de salaud, les amours de Jean Chevrier empèsent le récit alors que l'évocation de l'amitié et, plus tard, celle de la culpabilité avaient bien plus d'intérêt. On soulignera la date de sortie du film, en pleine Occupation, ce qui n'est pas sans valeur concernant certaines scènes. On se prend à imaginer ce qu'aurait donné le film avec Duvivier aux manettes. 


Merlusse
(Marcel Pagnol, 1935)

Tout Pagnol, son humanité, son regard bienveillant pour ses personnages, la vérité du monde de l'enfance, est contenu dans ces 63 minutes superbes. L'émotion affleure partout : chez ce gamin qui est persuadé que sa mère viendra le chercher pour le réveillon, chez cet autre, fils d'un roi d'Asie qui évoque avec passion « son pays », chez le recteur bonhomme malgré ses principes, chez Merlusse évidemment, victime de lui-même alors que chacun le prend pour un bourreau. La simplicité de la mise en scène renforce la vision passionnée du cinéaste pour cette histoire cruelle et bouleversante.


Le fantôme du bossu
(Hajime Sato, 1965)

Même si le récit paraît un peu poussif et n'a pas la fluidité espérée (celle qui fait le prix, au hasard, des Innocents ou de The Haunting), cette histoire de maison hantée à la sauce nippone n'est pas sans qualités. La photographie est splendide et le soin apporté aux cadrages est la marque d'un style assuré. La mise en scène mêle habilement hors-champ et images plus explicites. La séance de spiritisme est un grand moment horrifique dans laquelle la famille et les mœurs bourgeoises en prennent pour leur grade. 


Mary la rousse, femme pirate
(Umberto Lenzi, 1961)

Le premier film de Lenzi répond à la mode du moment : un film historique avec de la romance et de l'aventure. C'est évidemment très stéréotypé et assez idiot, les acteurs de seconde zone se disputent pour savoir qui sera le plus mauvais, mais il y a un charme qui n'appartient qu'à ces productions italiennes. De belles couleurs, un soin particulier pour les costumes et les scènes d'action, une jolie héroïne... un divertissement regardable.


Ultimos días de la víctima
(Adolfo Aristarain, 1982)

Un polar épatant qui puise son inspiration dans les films de complot américains de la décennie précédente. Les premières minutes sont un modèle d'exposition et la suite est à l'avenant. Sur fond de scandale économique et dans le contexte d'une Argentine sous dictature, Aristarain (qui adapte Feinmann) met en scène des individus qui pensent vivre mais qui en réalité n'existent pas. Des maillons sans importance, remplaçables sur un claquement de doigt. Métaphore brutale de l'Etat, machine sans tête ni sentiment, qui écrase, corrompt et élimine.


Moon Over Harlem
(Edgar G. Ulmer, 1939)

Film ethnique qui se distingue davantage pour son intérêt historique que pour ses qualités artistiques. Les maigres moyens y sont évidemment pour beaucoup même si cela dynamise paradoxalement le montage. Le statisme de la mise en scène et le niveau global de l'interprétation n'aidant pas à s'investir dans ce drame social. Un beau moment malgré tout : le gospel entonné au milieu des sanglots accentue la dimension tragique de ce Moon Over Harlem pour autant tout à fait dispensable.


Panique au music-hall
(Antonio Santillan, 1958)

La pauvreté de la mise en scène, purement illustrative, n'aide pas à se passionner pour ce film sans âme. Le scénario cherche à aborder plusieurs genres en même temps mais ne les traite que superficiellement, et, de fait, ne convainc jamais. L'unique mérite de Cita impossibile réside dans l'écriture et l'interprétation du personnage du voleur haut en couleurs, oasis au milieu du désert.


La scène du crime
(Roy Rowland, 1949)

Une œuvre de faiseur, d'honnête artisan, Roy Rowland ayant signé une tripotée de films sans génie. Celui-ci ne fait pas exception. L'enquête n'est pas passionnante, la mise en scène sans personnalité mais ce qui incite à la mansuétude c'est le traitement des à-côtés : le couple du flic qui vacille, les policiers qui vieillissent et dont les capacités déclinent, les conditions de travail... Tout ceci est abordé sans fard et intéresse finalement bien plus que l'intrigue.


Esclave de l'amour
(Nikita Mikhalkov, 1976)

Comme dans son premier film, Mikhalkov prend la guerre civile comme cadre à son récit tout en la laissant à distance (dans un premier temps du moins). Il y a une part d'insouciance incarnée par la vedette du cinéma muet, loin du conflit entre les Rouges et les Blancs, dans un cadre verdoyant où le champagne coule au moindre prétexte. Les personnages sont finement caractérisés et le cinéaste prend le soin de densifier leur dimension dramatique à mesure que le récit avance. Un beau film sur la mort d'un monde et l'avénement d'un autre, tout aussi violent.


Tornade
(William Dieterle, 1937)

Si l'on doit retenir une qualité à Another Dawn, c'est bien celle de la concision. En à peine plus d'1h10, Dieterle emballe un film qui narre l'essentiel. Ce drame sentimental localisé en Africque coloniale n'est pourtant pas des plus enthousiasmants, la faute peut-être à un scénario tout à fait convenu bien que valorisant l'amitié, le devoir et le sacrifice. Kay Francis et surtout Errol Flynn sont bons, comme en témoignent les dernières minutes.


L'ordre et la sécurité du monde
(Claude d'Anna, 1978)

Finalement, on s'intéresse moins au sujet de fond (l'impérialisme qui dévore tout, notamment les ressources de l'Afrique) qu'à la manière dont l'auteur le traite. A mi-chemin entre le thriller psychologique et le film de complot, le film, comme Trompe l'oeil mais de manière moins radicale, gagne en intérêt à mesure que le récit avance. Toute la partie dans le train est particulièrement bien menée jusqu'à cet épilogue saisissant dans la gare. Il faut noter la distribution 5 étoiles autour de Laure Dechasnel (Bruno Crémer, Dennis Hopper, Gabriele Ferzetti, Michel Bouquet, Donald Pleasence et Joseph Cotten).


Trompe l’œil
(Claude d'Anna, 1975)

Les 40 premières minutes, en huis-clos, sont soporifiques au possible et laissent craindre un pensum auteurisant malgré une esthétique très élaborée. Mais, par un miracle assez inexplicable, le film gagne en intérêt et en intensité passée cette longue introduction. L'atmosphère, le son, le soin apporté à chaque plan, le mystère et le malaise qui s'épaississent... tout cela conduit à reconsidérer la première impression et à faire de Trompe l’œil un objet assez fascinant, quelque part entre Hitchcock, Polanski et le Jean Rollin de La rose de fer. Troublant.


Une famille
(Yoji Yamada, 1970)

Encore une preuve du talent de Yamada. Ce bouleversant mélodrame, entre chronique familiale et road-movie, est un bijou d'équilibre. La quête d'un avenir meilleur, le périple avec la femme (mère au courage et à la patience exemplaire), le grand-père (Chishu Ryu, très émouvant) et les deux jeunes enfants à travers le pays, les déboires financiers, les problèmes de santé, l'identité chrétienne, la modernité... tout cela est évoqué avec une infinie justesse, sans pathos ni moraline. Les dernières minutes, renouveau salvateur après toutes les épreuves endurées, sont d'une beauté tout à fait stupéfiante. Un grand film.


Quelques jours de la vie d'Oblomov
(Nikita Mikhalkov, 1980)

Disons-le d'entrée, c'est une adaptation appliquée et convaincante du chef-d'œuvre de Gontcharov. Mikhalkov restitue à merveille les enjeux du roman, respectant l'équilibre entre une première partie aux accents comiques et une seconde, plus dramatique, où la farce et les facéties du personnage principal laissent place au sentiment amoureux. Les flashbacks, déjà présents dans l'œuvre d'origine, sont parfaitement insérés et la mise en scène est des plus élaborées. Les acteurs, Oleg Tabokov en tête, sont formidables.


Coqueluche
(Peter Gardos, 1987)

Trente ans après l'insurrection de Budapest, le cinéaste évoque les événements en posant sa caméra au sein d'une famille dont le garçon d'une dizaine d'années est le personnage principal. Les fusillades et la politique sont gardées à distance (hors-champ, la radio et des images d'archives) pour s'intéresser aux sentiments des différents protagonistes durant cette période fondamentale de l'histoire hongroise et du bloc de l'Est. Tout n'est pas parfait mais ce mélange d'humour détaché, de fatalisme et d'inquiétude est plutôt bien tenu.