Up in Mabel’s Room (Allan Dwan, 1944)

Adapté d’une pièce à succès, le film de Dwan est une comédie de mœurs enlevée qui parvient à éviter l’écueil du statisme. S’il finit par être un peu répétitif, la verve des comédiens (Dennis O’Keefe est excellent et Mischa Auer irrésistible en majordome), le piquant de certains dialogues et une mise en scène alerte permettent au spectateur de passer un bon moment. Et c’est bien là le principal pour ce type de productions.


La onzième année
(Dziga Vertov, 1928)

Objet de propagande puisque le film est tout à la gloire des ouvriers, paysans, jeunes et soldats de l'URSS, La onzième année (de la Révolution d'Octobre) est surtout un tour de force technique, une sorte de précis de la grammaire cinématographique. Dépourvue de toute ambition narrative, l'expérimentation occupe l'essentiel du film: le travail de surimpression des plans, de cadrage, de lumière, de montage traduit avant-gardisme du cinéma soviétique. Et comme tout objet de ce type, c'est intéressant à défaut d'être passionnant.


La méduse paralysée
(Yasuzo Masumura, 1970)

Encore une fois, le cinéaste évoque la femme et son exploitation par un système masculin d'oppression. Comme dans Le mari était là, l'héroïne est soumise à la volonté et à l'ambition de son homme, forcée à coucher pour assurer sa promotion au sein d'une grande entreprise avant qu'un yakuza en quête de rédemption s'invite dans sa vie... Mais ici, le film, s'il est moins aimable et abouti formellement, s'attache à un personnage supplémentaire en donnant une part prépondérante au père alcoolique. Un jalon logique au sein de l'imposante filmographie de Masamura.


Le mari était là
(Yasuzo Masumura, 1964)

Dans cet habile et très convaincant récit, Masumura filme un mélodrame puissant et formellement somptueux (couleurs et cinémascope superbes) sur le couple, l'opportunisme, la soumission des femmes à l'ambition des hommes. Si la trame affairiste n'est finalement qu'un prétexte, elle assure l'équilibre dramatique nécessaire au développement des personnages. La femme bafouée devient petit à petit maîtresse de son propre destin, par amour, par fierté, par affirmation face à l'ordre patriarcal d'un Japon certes modernisé mais toujours conservateur. Les deux acteurs principaux (Ayako Wakao et Jiro Tamiya) sont magnifiques.


Le diamant noir
(Jean Delannoy, 1941)

Pachydermique mélodrame que rien ne sauve de l'ennui. L'écriture est donc sans finesse, la mise en scène sans inventivité, le montage sans rythme... En somme, les symptômes les plus évidents d'un cinéma aseptisé, aussi caricatural qu'inoffensif (l'argument de l'Occupation est nul et non avenu). Mais Jean Delannoy a-t-il fait autre chose tout au long de sa carrière ? Et, comble du comble, Charles Vanel est mauvais comme un cochon. Aux oubliettes !


Le parfum de la dame en noir
(Francesco Barilli, 1974)

La référence à Gaston Leroux tient bien plus de l'hommage que d'une quelconque adaptation. Le soin apporté aux couleurs et à l'éclairage, la très belle musique Nicola Piovani, l'architecture romaine et cet entre-deux permanent entre giallo et film horrifique sont à mettre au crédit de cette oeuvre par ailleurs difficile à cerner. La faute sans doute à une progression dramatique un peu absconse. L'ambiance intéresse visiblement plus Barilli que le récit. Reste cette séquence finale, glaçante et inoubliable.


L'épée secrète
(Hiroshi Inagaki, 1963)

Les traditions séculaires se heurtent à l'ambition d'un samouraï. Voici la trame narrative d'un film qui brasse en réalité plus large, s'attachant à dépeindre la fin d'une époque et le déclin progressif du féodalisme. Nouvelle évocation du mythe de Musashi par le vétéran Inagaki (il tourne depuis l'époque du muet) qui réalise une œuvre solide, dominée par la beauté des scènes en extérieur et la puissance du duel fratricide final.


Le traquenard
(Hiroshi Teshigahara, 1962)

Ce premier film (c'est à souligner) réussit le pari d'être à la fois théorique, politique et sensoriel, à l'image de l'écriture de Kobo Abe, auteur de l'oeuvre originale et ici scénariste, inaugurant un compagnonnage hautement qualitatif. La puissance du propos est en effet largement soutenue par une maîtrise formelle saisissante. Moiteur et sécheresse des images, force évocatrice de certaines séquences (le combat à mort dans la boue, les déambulations parmi les fantômes) et caméra qui s'attarde sur cet enfant confronté à la solitude et à la misère... Bouleversant.


Cop
(James B. Harris, 1988)

La première adaptation d'Ellroy pour le grand écran est plutôt convaincante. Bien qu'il ne reprenne pas la trame romanesque originale, le récit est efficace. D'autant plus efficace que le personnage de Lloyd Hopkins est parfaitement incarné par James Wood, acteur impétueux s'il en est. Harris, honnête technicien, s'applique à montrer le quotidien des flics et le sordide envers de la Cité des Anges sans pour autant rendre la foisonnante noirceur du romancier. 


The Undying Monster
(John Brahm, 1942)

Toute la noblesse de la série B est très agréablement incarnée par cet Undying Monster hélas un peu oublié aujourd'hui. Le savoir-faire de John Brahm est à l'œuvre, la mise en scène étant vivifiée par un style très sûr et un sens du cadre évident. La superbe et très expressive photographie de Lucien Ballard et la beauté des décors apportent un charme supplémentaire à cette histoire de lycanthropie menée tambour battant. Et, pour l'anecdote, il s'agit du premier film du génial Charles McGraw qui tient ici un petit rôle.


L'assassin a peur la nuit
(Jean Delannoy, 1942)

Le début est prometteur : un générique original, un cambriolage, une photographie contrastée. La suite est moins convaincante. Jules Berry interprète un énième rôle de salaud, les amours de Jean Chevrier empèsent le récit alors que l'évocation de l'amitié et, plus tard, celle de la culpabilité avaient bien plus d'intérêt. On soulignera la date de sortie du film, en pleine Occupation, ce qui n'est pas sans valeur concernant certaines scènes. On se prend à imaginer ce qu'aurait donné le film avec Duvivier aux manettes. 


Merlusse
(Marcel Pagnol, 1935)

Tout Pagnol, son humanité, son regard bienveillant pour ses personnages, la vérité du monde de l'enfance, est contenu dans ces 63 minutes superbes. L'émotion affleure partout : chez ce gamin qui est persuadé que sa mère viendra le chercher pour le réveillon, chez cet autre, fils d'un roi d'Asie qui évoque avec passion « son pays », chez le recteur bonhomme malgré ses principes, chez Merlusse évidemment, victime de lui-même alors que chacun le prend pour un bourreau. La simplicité de la mise en scène renforce la vision passionnée du cinéaste pour cette histoire cruelle et bouleversante.


Le fantôme du bossu
(Hajime Sato, 1965)

Même si le récit paraît un peu poussif et n'a pas la fluidité espérée (celle qui fait le prix, au hasard, des Innocents ou de The Haunting), cette histoire de maison hantée à la sauce nippone n'est pas sans qualités. La photographie est splendide et le soin apporté aux cadrages est la marque d'un style assuré. La mise en scène mêle habilement hors-champ et images plus explicites. La séance de spiritisme est un grand moment horrifique dans laquelle la famille et les mœurs bourgeoises en prennent pour leur grade. 


Mary la rousse, femme pirate
(Umberto Lenzi, 1961)

Le premier film de Lenzi répond à la mode du moment : un film historique avec de la romance et de l'aventure. C'est évidemment très stéréotypé et assez idiot, les acteurs de seconde zone se disputent pour savoir qui sera le plus mauvais, mais il y a un charme qui n'appartient qu'à ces productions italiennes. De belles couleurs, un soin particulier pour les costumes et les scènes d'action, une jolie héroïne... un divertissement regardable.


Ultimos días de la víctima
(Adolfo Aristarain, 1982)

Un polar épatant qui puise son inspiration dans les films de complot américains de la décennie précédente. Les premières minutes sont un modèle d'exposition et la suite est à l'avenant. Sur fond de scandale économique et dans le contexte d'une Argentine sous dictature, Aristarain (qui adapte Feinmann) met en scène des individus qui pensent vivre mais qui en réalité n'existent pas. Des maillons sans importance, remplaçables sur un claquement de doigt. Métaphore brutale de l'Etat, machine sans tête ni sentiment, qui écrase, corrompt et élimine.