Le retour des morts-vivants
(Dan O'Bannon, 1985)

Reprenant les codes des célèbres films de Romero tout en les contournant, le scénariste d'Alien réalise un film d'horreur mâtiné d'un humour un peu couillon. Même si les acteurs sont à peu près tous affreusement mauvais (mais la nature des personnages, d'une stupidité consommée, doit jouer), le résultat est plutôt convaincant grâce à un sous-texte politique particulièrement critique à l'ère reaganienne et des péripéties qui s'enchaînent avec fluidité. Du cinéma punk.


Deux lettres anonymes
(Mario Camerini, 1945)

La guerre finissante, un triangle amoureux se dessine alors qu'une femme est désirée par un homme résistant et son meilleur ami, plus enclin à collaborer avec l'occupant allemand. Au-delà des problématiques morales développées (la trahison, la fidélité, le sacrifice), le film dresse le portrait d'une Italie essorée qui essaie de se racheter une virginité après deux décennies de fascisme. A ce titre, le témoignage est intéressant mais il convient de garder une distance critique vis-à-vis de la mythologie.


Géants et jouets
(Yasuzu Masumura, 1958)

La première véritable réussite du cinéaste. Brûlot contre l'arrivisme, Géants et jouets est un film maîtrisé de bout en bout. Dès le générique, dynamitant les codes d'un cinéma nippon habituellement plus sage, le ton est donné: la satire sur l'argent, la réussite sociale et la bêtise publicitaire a des airs de comédie américaine dont les codes sont repris pour être mieux détournés. Tout cela à l'aide de personnages archétypaux mais finement écrits (la pimbêche qui se retourne finalement contre ses employeurs, le beau-père malade, le gendre ambitieux, le jeune ingénu...). La fin, pleine d'ironie amère, en dit long sur le pessimisme des auteurs.


Le fils de Visage Pâle
(Frank Tashlin, 1952)

Suite de Visage Pâle dont Tashlin était déjà scénariste, le film reprend les mêmes qualités que son prédécesseur : un Technicolor superbe (plus encore que l'opus de McLeod), une Jane Russell pleine de charme et un sens incontestable du rythme sans doute hérité du passé de cartooniste du cinéaste. Mais ce sont aussi les mêmes défauts: cabotinage fatigant de Bob Hope, accumulation de gags inégaux et finalement bien peu de rire pour le spectateur des années 2020. Daté.


La famille Hernandez
(Geneviève Baïlac, 1964)

Peu avant le début de la Guerre d’Algérie, la vie des pieds noirs dans le quartier algérois de Bab el-Oued. Un film assez unique dans l’histoire du cinéma français puisqu’il s’attache à dépeindre le quotidien populaire et pittoresque d’une famille haute en couleurs : querelles de voisinage, amourettes, école, mixité et intégration, tout cela loin des préoccupations de la métropole. Le réalisme est à souligner mais l’abattage des comédiens peut fatiguer. Une curiosité adaptée de la pièce à succès créée déjà par Geneviève Baïlac.


Fumerie d’opium
(Raffaello Matarazzo, 1947)

Tentative de film noir écrit (avec Monicelli) et réalisé par le maître du mélodrame italien. Tentative assez vaine pour tout dire. Le début est prometteur avec une assise néoréaliste sur les difficultés de l’après-guerre mais la dramaturgie et la mise en scène sont loin d’être inoubliables. Statique malgré moultes péripéties, Fumeria di oppio ennuie. D’autant que les acteurs ne sont pas formidables malgré la présence d’un Paolo Stoppa dont le personnage comique paraît hors de propos.


Manon
(Henri-Georges Clouzot, 1949)

Adaptation modernisée du célèbre livre de l‘abbé Prévost, Manon ne convainc guère. Deux raisons majeures (et non des moindres): la faiblesse des deux acteurs principaux (en particulier Cécile Aubry, insipide au possible) qui fait regretter de voir si peu Reggiani et moins encore Gabrielle Dorziat ; la longueur d’un film qui aurait gagné à être amputé de vingt bonnes minutes, en particulier dans son dernier tiers, exercice de style ostentatoire et ridicule de dolorisme. On l’aura compris, il s’agit de l’un des plus mauvais Clouzot.


Up in Mabel’s Room (Allan Dwan, 1944)

Adapté d’une pièce à succès, le film de Dwan est une comédie de mœurs enlevée qui parvient à éviter l’écueil du statisme. S’il finit par être un peu répétitif, la verve des comédiens (Dennis O’Keefe est excellent et Mischa Auer irrésistible en majordome), le piquant de certains dialogues et une mise en scène alerte permettent au spectateur de passer un bon moment. Et c’est bien là le principal pour ce type de productions.


La onzième année
(Dziga Vertov, 1928)

Objet de propagande puisque le film est tout à la gloire des ouvriers, paysans, jeunes et soldats de l'URSS, La onzième année (de la Révolution d'Octobre) est surtout un tour de force technique, une sorte de précis de la grammaire cinématographique. Dépourvue de toute ambition narrative, l'expérimentation occupe l'essentiel du film: le travail de surimpression des plans, de cadrage, de lumière, de montage traduit avant-gardisme du cinéma soviétique. Et comme tout objet de ce type, c'est intéressant à défaut d'être passionnant.


La méduse paralysée
(Yasuzo Masumura, 1970)

Encore une fois, le cinéaste évoque la femme et son exploitation par un système masculin d'oppression. Comme dans Le mari était là, l'héroïne est soumise à la volonté et à l'ambition de son homme, forcée à coucher pour assurer sa promotion au sein d'une grande entreprise avant qu'un yakuza en quête de rédemption s'invite dans sa vie... Mais ici, le film, s'il est moins aimable et abouti formellement, s'attache à un personnage supplémentaire en donnant une part prépondérante au père alcoolique. Un jalon logique au sein de l'imposante filmographie de Masamura.


Le mari était là
(Yasuzo Masumura, 1964)

Dans cet habile et très convaincant récit, Masumura filme un mélodrame puissant et formellement somptueux (couleurs et cinémascope superbes) sur le couple, l'opportunisme, la soumission des femmes à l'ambition des hommes. Si la trame affairiste n'est finalement qu'un prétexte, elle assure l'équilibre dramatique nécessaire au développement des personnages. La femme bafouée devient petit à petit maîtresse de son propre destin, par amour, par fierté, par affirmation face à l'ordre patriarcal d'un Japon certes modernisé mais toujours conservateur. Les deux acteurs principaux (Ayako Wakao et Jiro Tamiya) sont magnifiques.


Le diamant noir
(Jean Delannoy, 1941)

Pachydermique mélodrame que rien ne sauve de l'ennui. L'écriture est donc sans finesse, la mise en scène sans inventivité, le montage sans rythme... En somme, les symptômes les plus évidents d'un cinéma aseptisé, aussi caricatural qu'inoffensif (l'argument de l'Occupation est nul et non avenu). Mais Jean Delannoy a-t-il fait autre chose tout au long de sa carrière ? Et, comble du comble, Charles Vanel est mauvais comme un cochon. Aux oubliettes !


Le parfum de la dame en noir
(Francesco Barilli, 1974)

La référence à Gaston Leroux tient bien plus de l'hommage que d'une quelconque adaptation. Le soin apporté aux couleurs et à l'éclairage, la très belle musique Nicola Piovani, l'architecture romaine et cet entre-deux permanent entre giallo et film horrifique sont à mettre au crédit de cette oeuvre par ailleurs difficile à cerner. La faute sans doute à une progression dramatique un peu absconse. L'ambiance intéresse visiblement plus Barilli que le récit. Reste cette séquence finale, glaçante et inoubliable.


L'épée secrète
(Hiroshi Inagaki, 1963)

Les traditions séculaires se heurtent à l'ambition d'un samouraï. Voici la trame narrative d'un film qui brasse en réalité plus large, s'attachant à dépeindre la fin d'une époque et le déclin progressif du féodalisme. Nouvelle évocation du mythe de Musashi par le vétéran Inagaki (il tourne depuis l'époque du muet) qui réalise une œuvre solide, dominée par la beauté des scènes en extérieur et la puissance du duel fratricide final.


Le traquenard
(Hiroshi Teshigahara, 1962)

Ce premier film (c'est à souligner) réussit le pari d'être à la fois théorique, politique et sensoriel, à l'image de l'écriture de Kobo Abe, auteur de l'oeuvre originale et ici scénariste, inaugurant un compagnonnage hautement qualitatif. La puissance du propos est en effet largement soutenue par une maîtrise formelle saisissante. Moiteur et sécheresse des images, force évocatrice de certaines séquences (le combat à mort dans la boue, les déambulations parmi les fantômes) et caméra qui s'attarde sur cet enfant confronté à la solitude et à la misère... Bouleversant.