Marche ou crève
 (Georges Lautner, 1960)

Lautner, un peu à la manière de Gérard Oury, s'est d'abord essayé au genre dramatique, comme ici avec ce film d'espionnage. Inégal, parfois confus, Marche ou crève recèle quelques bons moments et une certaine ambition formelle (soulignons plans et cadrages sont très élaborés). Seulement, en dépit d'un Bernard Blier égal à lui-même, le film souffre d'une indéniable monotonie avec ses rebondissements artificiels et un rythme mal tenu. D'autant que Jacques Riberolles est un acteur pour le moins limité.


Le triangle de feu
(Edmond T. Gréville, 1932)

Les débuts du cinéaste sont difficiles pour ne pas dire complètement ratés. Les balbutiements du parlant sont moins visibles que l'indigence totale de la mise en scène et la pauvreté des enjeux. Nous sommes face à une sorte de feuilleton policier à l'intrigue ridicule et aux personnages sans épaisseur, sans parler de la nullité de l'ensemble de la distribution. Le montage alerte ne suffit pas à sauver le spectateur d'un total ennui.


Con la vida hicieron fuego
(Ana Mariscal, 1959)

La cinéaste fait ici preuve d'une certaine ambition formelle et narrative mais le film pêche hélas sur plusieurs aspects. Les premières minutes du film et la réflexion sur le temps qui passe sont assez belles et la réalisation de bonne facture. La question de l'incapacité des générations à se comprendre vraiment n'est pas inintéressante mais aurait sans doute mérité d'être plus approfondie. Plus médiocre en revanche est la manière dont Mariscal aborde les tourments amoureux de son personnage principal (caricatural Georges Rigaud) et carrément révisionniste son traitement de la Guerre civile espagnole. Actrice phare du franquisme, elle semble ici payer sa dette au Caudillo.


Les papillons de la nuit
(Kozaburo Yoshimura, 1957)

L'argument narratif (une vieille rancune opposant deux femmes) est un prétexte pour nous plonger dans Ginza, ce quartier tokyoïte brillant de mille feux, et sa vie nocturne. La très belle photographie en couleurs agrémente ce panorama. La société nippone y est décrite avec acuité: les puissants hommes d'affaires qui entretiennent leurs relations et les patronnes de bar qui facilitent les rencontres. Si la mise en scène est très élaborée et aboutit à son lot de grandes séquences (la course-poursuite notamment), on est un peu moins convaincu de l'opportunité des flash-backs. Le film s'achève sur un dernier plan absolument superbe.


Le pari
(Ana Mariscal, 1960)

Une amusante et très perspicace comédie espagnole dont le ton fait incontestablement penser à son équivalent italien. Ça brocarde avec malice le mythe de l'argent facile contre la simplicité des humbles tout en évitant soigneusement l'écueil de l'angélisme ; avec intelligence en somme. Chaque personnage est écrit avec précision et apporte sa pierre à l'avancée de la narration. Un peu de cynisme, un soupçon de critique et beaucoup de drôlerie, La quiniela est un film réjouissant. 


Un baquet de sang
(Roger Corman, 1959)

Derrière ce petit film de série rempli d'ironie macabre, Corman s'en prend à une société de faux-semblants, au monde de l'art et aux soi-disants marginaux (voir la très insupportable et très drôle tirade inaugurale, pensum gauchisant tourné justement en dérision). Entre la folie du personnage principal et ce petit microcosme artificiel, une jeune femme sort du lot, modèle de droiture et de pureté. Les acteurs ne sont pas tous géniaux mais la BO jazzy est très agréable.


Minbo ou l'art subtil de l'extorsion
(Juzo Itami, 1992)

Le très original Itami signe ici une nouvelle réussite où se mêlent avec une fluidité remarquable burlesque et drame. A la quasi bouffonnerie du premier tiers succède une charge violente sur le système yakuza et ses mécanismes mafieux pour intimider et racketter les victimes. La vitalité du montage et une mise en scène particulièrement élaborée ajoutent aux qualités de cette œuvre épatante de justesse qui coûta probablement la vie à son auteur (son "suicide" maquillé 5 ans plus tard). Les acteurs, Nobuko Miyamoto en tête, sont excellents.


La renarde folle
(Tomu Uchida, 1962)

Une splendeur visuelle incontestable ! La composition des cadres, les couleurs chatoyantes, la fluidité de la mise en scène... La renarde folle est une œuvre picturale de premier plan. Cependant, pour le cinéphile occidental peu sensible au théâtre traditionnel japonais et son (insupportable) folklore, la magie s'arrête ici. Qu'il s'agisse des mythes médiévaux ou de l'hommage rendu au kabuki, il est particulièrement difficile de s'investir (et de tenir le coup) si l'on n'est pas passionné par la culture nippone.


L'idiot
(Georges Lampin, 1946)

Le choix de Gérard Philipe pour interpréter le Prince Mychkine s'avère payant. Il est excellent de vérité et d'humanité. Revers de la médaille, il porte sur ses jeunes épaules une adaptation vidée de sa substance (un tel roman réduit à un film d'à peine plus de 1h30...) où la réalisation, purement illustrative, ne parvient jamais à retranscrire l'extraordinaire densité de l'intrigue et ses problématiques fondamentalement russes. Lampin, né à Saint-Pétersbourg, devait beaucoup y tenir mais force est de constater que pour un premier film, la marche était sans doute trop haute.


Assassins et voleurs
(Sacha Guitry, 1956)

L'avant-dernier film de Guitry n'est pas le plus abouti mais il a au moins le mérite de la causticité. Selon une écriture à l'efficacité (é)prouvée (dialogues ciselés et recours à la voix-off), l'auteur nous livre une amusante comédie sur l'amour, le couple et la société. Le duo Poiret-Serrault est excellent mais l'ensemble manque de liant et d'une mise en scène plus élaborée. C'est ici une succession de tableaux plus ou moins réussis jusqu'à un dénouement parfaitement cynique et appréciable. 


Le secret de Roan Inish
(John Sayles, 1996)

Un film familial où l'on attendait pas forcément Sayles mais qui partout respire la maîtrise formelle du cinéaste. Les paysages irlandais sont magnifiquement capturés. Mais le plus abouti ici, c'est sans doute la manière dont chaque spectateur, quel que soit son âge, plonge avec plaisir dans ce récit d'apprentissage mêlant légendes celtiques et touchante variation sur l'enfance et la famille. La gamine est épatante.


L'aveu
(André De Toth, 1957)

Il n'est certes pas commun que le cinéma américain s'exporte à Copenhague mais l'exotisme s'arrête pourtant là. Quelques vues de la capitale danoise ne suffisent en effet pas à rendre intéressant ce film confus (l'accusation de la sœur, les faux-monnayeurs...), mal monté (il suffit de regarder la poursuite finale pour s'en convaincre) et qui semble reposer sur la seule présence de John Payne, acteur sous-estimé mais qui est ici monolithique. Hidden Fear est un polar atypique mais décevant.


Messieurs Ludovic
(Jean-Paul Le Chanois, 1946)

Ce qui marque surtout c'est la formidable interprétation de Bernard Blier, saisissant d'humanité. Son personnage, à l'image des dialogues (Le Chanois adaptant une pièce de Pierre Scize), est particulièrement bien écrit. Cependant, l'artificialité de l'argument (trois hommes nés le même jour convoitent la même femme) est un grief moins important que celui qu'on pourrait formuler à l'égard la très académique mise en scène. Jules Berry cabotine génialement mais sa présence est un nœud dramatique un peu grossier.


Tout est à vendre
(Andrzej Wajda, 1969)

Évoquant le deuil (c'est en partie un hommage à Zbigniew Cybulski, l'acteur inoubliable de Cendres et diamant) et la création, le film est très cérébral. Trop même. Malgré quelques jolies scènes (la course avec les chevaux, le coucher de soleil), l'aspect théorique et auteurisant finit par lasser. L'absence de la vedette révèle en réalité l'absence d'une véritable colonne vertébrale. Chichiteux, bavard et très loin des œuvres les plus abouties de Wajda.


Les criminels
(Joseph Losey, 1960)

Ce qui frappe c'est l'impeccable mise en scène de Losey, la précision quasi documentaire avec laquelle il nous montre l'univers carcéral. Le sens de l'espace, l'exactitude du cadre, le découpage... The Criminal est exemplaire et rappelle par sa sécheresse Le rôdeur, le chef-d'œuvre américain du cinéaste. En témoignent la dense séquence de l'émeute et les derniers instants, dans le champ enneigé. Soutenu par le toujours parfait Stanley Baker et la superbe photographie de Robert Krasker, le film pâtit tout juste d'un scénario parfois confus.